Yann Guenon : « Je suis arrivé avec des idées préconçues absolument fausses »

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À la base, j’avais proposé un sujet sur les mines. Sujet bien sensationnaliste, dans ma tête j’étais le nouveau Léon Marchand. La loi des votes a fait qu’au final, le sujet que nous avons eu avec Jana et Tomislav (mes deux camarades de terrain) était Les jeunes et l’Europe. Je suis malgré tout content et mes parents sont rassurés de savoir que leur fils ne va pas s’amuser à sauter entre des engins explosifs pensés pour tuer sans aucune discrimination le premier qui marche dessus.

La fuite des cerveaux est un sujet déjà très médiatisé, surtout quand on pense aux médecins ou aux ingénieurs. Puis Jana nous a présenté l’idée de la « fuite des mains » (ce nom fut un running gag durant tout le séjour), s’intéresser aux personnes moins diplômées. On est parti là-dessus.

Je suis arrivé à Mostar avant mes camarades. Premier jour, je fais un tour de la ville avec Haris, l’un des accompagnateurs du groupe. Petite pause vers 16h, je lui explique plus précisément mon sujet et il me désigne une table à 10 mètres de la nôtre, Azra et Freja, nos deux premières interviews. Sacré coup de chance.

Quelques jours plus tard, on se retrouve à cette même terrasse avec mon groupe pour les interviewer. Ça se passe bien, en 30 min toutes les questions sont posées, les réponses sont cool. Puis pour terminer, la fameuse question « autre chose ? ». C’est le moment charnière de notre séjour, Azra commence à se confier sur ses sentiments. Jana creuse, l’interview est rallongée de 40 min. Retour à l’hôtel, on retrouve Tomislav ou Thomy pour les intimes (Thomy est une marque de mayonnaise). Il était parti aider un autre groupe. On débriefe et d’un coup, il apparaît clair que l’angle va glisser. On va se concentrer sur les sentiments, grands oubliés dans les papiers qui traitent le sujet de l’exode.

Très bon choix, au final, on trouve un sociologue, un politicien et d’autres témoignages. À la fin on est content du résultat, les gens se sont confiés à nous et on a l’impression d’avoir saisi le sujet. Je ne suis encore qu’aspirant journaliste, dans 10 ans si je relis ce papier, je vais sûrement être horrifié, mais là tout de suite, on a l’impression d’avoir fait quelque chose de bien.

Je n’ai jamais autant appris que durant ces 9 jours et j’ai découvert à quel point le travail avec traducteurs/fixeurs est dur. Parler la même langue n’est qu’un prérequis qui ne suffit pas, la réalité est tellement plus compliquée ! Il faut de la patience, de l’organisation, de la clarté et surtout se remettre en question constamment.

J’ai aussi énormément appris sur la Bosnie-Herzégovine, et j’ai brisé mon image très européenne d’une petite Yougoslavie prête à exploser à tout moment. « La poudrière des Balkans ». La situation est si complexe, je n’ai pu qu’effleurer l’aspect sociétal mais j’ai pu constater que les jeunes générations peuvent se comprendre, et pour la plupart sont loin des divisions dont tout le monde parle. 

Je suis arrivé à Mostar aussi pour savoir si je voulais vraiment continuer dans le journalisme. Ce séjour m’a apporté énormément d’éléments de réponse.