Ivana Mitrović : « On a pensé qu’on ne finirait pas le reportage »

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Cet atelier incluait tout ce dont j’avais besoin à ce moment-la : la rencontre avec de nouvelles personnes, la traduction et le voyage. J’avais zéro expérience dans le journalisme, mais les réunions préparatoires et le travail sur le terrain ont changé la donne. Maintenant je vois les efforts que demande la rédaction d’un article ou la réalisation d’un reportage vidéo, et je peux dire que j’apprécie plus le métier de journaliste. 

Notre sujet était assez flou au départ. Le reportage sur les jeunes de Mostar n’avait pas d’angle précis et on a commencé par faire des recherches sur le processus d’adhésion de la Bosnie-Herzégovine à l’Union européenne. L’une des conditions obligatoires est le respect des droits des minorités, et comme nous sommes toutes les trois intéressées par les sujets de société, nous avons décidé d’écrire un article sur l’inclusion de la communauté rom. J’étais assez sceptique au début car nous avons défini le sujet très tard et nous n’avons pas contacté beaucoup de personnes. On vient toutes les trois de pays différents, même si Rose vit en Serbie depuis un certain temps et parle très bien serbe. Je ne savais pas comment allait se dérouler notre travail de groupe. 

Nous avons fait presque tout le travail sur place. Il a fallu passer beaucoup de coups de téléphone, se présenter auprès de chaque interlocuteur et faire preuve de persévérance. On a réussi à caler des interviews, mais trouver des Roms a été beaucoup plus difficile que prévu. Nous ne pouvions pas nous rendre dans leurs campements sans autorisation ni accompagnement et nous avons pensé que nous ne finirions pas le reportage. Cette incertitude m’inquiétait, mais d’une certaine manière, elle me motivait encore plus. Finalement, nous sommes entrées en contact avec un étudiant et une famille rom, et pour cela, il a fallu contacter trois autres personnes qui nous ont guidées vers eux ! L’enthousiasme a atténué mon trac pendant les interviews même si je me sentais nerveuse. Je ne me sentais pas « professionnelle » et je devais vérifier plusieurs fois si j’avais posé toutes les questions importantes. Je me sentais frustrée quand je ne pouvais pas me souvenir rapidement d’un mot en français. C’était une conséquence de la fatigue, moins drôle que les fous rires en rentrant du terrain.

L’atelier média m’a beaucoup apporté sur le plan personnel. Je me sentais plus efficace que d’habitude et j’ai osé poser des questions parfois gênantes, mais très importantes. Le fait de séjourner dans une nouvelle ville avec beaucoup de personnes inconnues, dont certaines ne parlent pas notre langue, avait un côté déstabilisant. J’avais peur des malentendus du fait de ne pas connaître assez de nuances en français. Certains mots semblent les mêmes dans les deux langues mais chacun apporte du sens. Les explications et la tolérance aident beaucoup au contact d’une autre culture, mais je pense que la confiance est tout aussi importante. Ce reportage n’aurait pas pu être mené à bien sans la confiance de la journaliste envers les interprètes, et des Roms envers nous trois.